Procédure d'expropriation : quels sont vos droits ?

 

INTRODUCTION :

            L'expropriation est une procédure permettant à une collectivité publique de s'approprier, en tout ou partie, un bien immobilier bâti ou non, à la condition que cette appropriation réponde d'une utilité publique caractère d'intérêt général, et ce moyennant une juste et préalable indemnité.

Ainsi, la collectivité qui se prévaut d'une telle procédure, dite collectivité expropriante, se voit dans l'obligation de réunir deux conditions cumulatives :

  • disposer d'un motif d'intérêt général, dit utilité publique préalablement et formellement constaté ;
  • donner lieu à une juste et préalable indemnité au profit de l'exproprié.

 

À défaut, la procédure d'expropriation est irrégulière et susceptible de nullité.

 

Il s'agit donc d'une dépossession pure et simple du droit de propriété. La cession de votre bien immobilier est forcée.

ATTENTION, une simple gêne temporaire dans le droit de propriété n'est pas assimilable à une   expropriation. Par contre, si cette simple gêne perdure au point de devenir irréversible, il y a bien expropriation et dans ce cas il s'agit d'une expropriation sans base légale. Néanmoins, cette occupation sans titre pourra tout à fait être régularisée par la suite de la mise en œuvre d'une procédure régulière d'expropriation.

 

 

            I – Quels sont vos droits lors d'une procédure d'expropriation.

Lorsque le bien immobilier dont vous disposez fait l'objet d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'autorité publique expropriante est soumise à l'obligation de vous verser une juste et préalable indemnité en contrepartie de la dépossession de votre droit de propriété.

L'indemnité doit correspondre à la valeur du bien exproprié. Elle ne peut être ni excessive, ni dérisoire c'est pourquoi le chiffrage du droit à indemnité est légalement encadré afin de s'assurer que les bases retenues pour indemniser n'entraînent pas d'enrichissement sans cause au profit de l'exproprié.

 

La collectivité publique vous adressera alors une offre d'indemnisation, à laquelle vous disposerez d'un mois pour faire part de votre acceptation, ou de votre refus accompagné de votre propre offre.

Dans le cas où vous estimeriez que l'indemnité n'est pas suffisante, vous disposerez toujours de la faculté de saisir le juge judiciaire.

En cas de défaut de réponse de votre part, la collectivité publique pourra vous mettre en demeure de lui adresser une offre d'indemnisation, auquel cas elle pourra saisir le juge judiciaire dans le délai d'un mois suivant votre silence.

 

Le transfert de propriété et la prise de possession de votre bien immobilier ne seront effectifs qu'à condition que le versement de l'indemnité ait été réalisé par la collectivité publique expropriante. Cette dernière disposera d'un délai d'un mois à l'issue du versement pour prendre possession du bien.

L'indemnité est nécessairement préalable.

 

            II – La procédure à respecter par l'autorité publique.

L'ENQUÊTE PUBLIQUE :

La procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique débute par un arrêté préfectoral ouvrant le début de l'enquête publique indiquant précisément :

  • L'objet de l'enquête ;
  • Les dates de clôture et de fermeture de l'enquête ;
  • Les heures et lieux où le public peut consulter de dossier soumis à enquête

Cette enquête publique est soumise à des conditions de publicité, à savoir que quinze jours avant l'ouverture de l'enquête et tout au long de son déroulement, l'autorité administrative compétente doit informer le public, par tous les moyens possibles (exemple : affichage, journaux écrits, communication audiovisuelle), de l'objet de l'enquête, et de la décision pouvant être adoptée à l'issue de l'enquête.

 

LA DÉCLARATION D'UTILITÉ PUBLIQUE :

Au terme de la clôture de l'enquête, intervient la Déclaration d'utilité publique (DUP) qui doit être produite, au plus tard, par principe, dans un délai d'une année après la clôture de cette enquête publique. Cette déclaration ne vise, pour le moment, qu'à considérer que l'opération d'expropriation projetée est bien d'utilité publique.

Ainsi, une fois la Déclaration d'utilité publique prononcée, la collectivité publique dispose d'un délai de cinq ans pour réaliser le projet qui y est mentionné. Ce délai étant, par exception, susceptible d'être prolongé.

L'objectif de cette Déclaration d'utilité publique étant de permettre la poursuite de la procédure d'expropriation. À savoir que cette poursuite n'est pas obligatoire, puisque la procédure pourra à tout moment être arrêtée ou suspendue.

 

L'ENQUÊTE PARCELLAIRE :

Une fois la Déclaration d'utilité publique arrêtée et publiée, la collectivité publique transfert en Préfecture un dossier reprenant précisément le projet aux fins d'ouverture de l'enquête parcellaire qui va permettre de définir l'assiette précise du projet, et de définir précisément les parcelles à exproprier.

C'est à cette étape que la collectivité publique informera, par lettre recommandé avec accusé de réception, le propriétaire du bien immobilier visé de l'ouverture de l'enquête.

 

L'ARRÊTÉ DE CESSIBILITÉ :

À l'issue de l'enquête parcellaire, la procédure d'expropriation arrive à son terme et le préfet prendra un arrêté de cessibilité prononçant la cession forcée des biens immobiliers visés ; lequel fera l'objet d'une publication au Recueil départemental des actes administratifs et d'une notification par lettre recommandé avec accusé de réception au(s) propriétaire(s) expropriés.

 

Ainsi, lorsque toutes les conditions sont réunies, le transfert de propriété peut avoir lieu :

  • à l'amiable entre l'expropriant et l'exproprié ;
  • et à défaut d'accord amiable, la juridiction judiciaire est saisie aux fins de délivrer une ordonnance d'expropriation actant le transfert de propriété.

 

Rappelons-le encore, ce transfert de propriété est subordonné au paiement de l'indemnité.

            III – La possibilité ouverte à l'exproprié de contester la procédure d'expropriation.

  • Devant le juge administratif:

En tant qu'exproprié, vous disposerez de la possibilité de contester la régularité de la procédure d'expropriation (exemple : enquête publique), de même que le motif d'intérêt général.

Vous est donc ouverte la possibilité de contester la légalité de l'arrêté de cessibilité, ou de la Déclaration d'utilité publique. Ainsi, lorsque le projet définis dans la Déclaration d'utilité publique ne présente pas un caractère d'intérêt général, qu'elle est viciée, qu'elle n'a pas été émise par l'organe compétent, ou qu'elle est manifestement contraire aux règles d'urbanisme, elle est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation auprès du juge administratif dans un délai de deux mois à compter de sa publication qui, rappelons-le, est opérée par tous moyens.

Passé ce délai, demeure toutefois la faculté de contester la légalité d'un acte postérieur à la déclaration (exemple : la délibération d'un conseil municipal décidant d'un projet immobilier nécessitant une expropriation).

Le juge administratif procèdera au contrôle de légalité de la déclaration, et se prononcera sur la caractère d'utilité publique. Sera considéré d'utilité publique un projet qui, au regard des atteintes portées à la propriété privée, au coût financier et les éventuels inconvénients d'ordre social ou à d'autres intérêts publics ne sont pas manifestement excessifs par rapport à l'objectif poursuivi par la collectivité publique expropriante.

ATTENTION, le défaut d'utilité publique n'entraîne pas pour autant automatiquement la nullité de l'expropriation. Il vous faudra alors vous adresser au juge de l'expropriation.

 

  • Devant le juge judiciaire:

Ce recours devant le juge de l'expropriation ne vous sera ouvert que lorsque sera émise par ce même juge l'ordonnance d'expropriation. Vous disposerez de la possibilité de contester l'utilité publique du projet, qui pourra être rejetée par le juge judiciaire pour des raisons qui tiennent à l'opération elle-même, notamment lorsque il estime que l'opération est disproportionnée par rapport à l'objectif envisagé.

Vous disposerez alors d'un délai de quinze jours après la notification de l'ordonnance d’expropriation.

 

            IV – Quels sont vos options lors d'une procédure d'expropriation du bien.

Le cas de l'annulation :

En cas d'annulation définitive par une décision rendue en dernier ressort du juge administratif de la Déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, toute personne expropriée peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est privée de base légale. Ainsi, après avoir constaté l'absence de base légale de ladite ordonnance, le juge statue sur les conséquences de son annulation et sur la réparation qui en découle du préjudice causé par une expropriation irrégulière.

Ces conséquences sont telles que le bien immobilier exproprié pourra, dans certains cas, vous être restitué :

  • Lorsque le bien est en état d'être restitué, le juge subordonne la restitution à la détermination des indemnités à restituer à l'expropriant et précise que la restitution de son bien par la collectivité publique expropriante ne peut intervenir qu'après paiement par l'exproprié des sommes mises à sa charge.
    • Si l'expropriant a commencé à mettre en œuvre son projet immobilier, le juge pourra exiger de l'expropriant la démolition de l'ouvrage aux frais de ce dernier, ou le maintien des ouvrages et leur remboursement à l'expropriant.

 

  • Lorsque le bien n'est pas en état d'être restitué, l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts.

 

Le cas de la rétrocession :

En revanche, après une expropriation réalisée en bonne et due forme, existe au bénéfice de l'exproprié un droit de rétrocession vous permettant de reprendre, sous certains conditions, votre ancien bien immobilier exproprié :

  • lorsque la collectivité publique expropriante souhaite céder le bien qu'elle a exproprié. Dans ce cas, elle doit informer en priorité l'ancien propriétaire de sa décision, et en cette qualité vous disposerez du droit de rétrocession, ou d'enclencher votre droit de renonciation
  • lorsque, dans les cinq ans suivants l'ordonnance d'expropriation, le bien exproprié ne répond pas de l'usage ou de l'affectation au projet mentionné dans la Déclaration d'utilité publique.

 


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