Indemnisation du concessionnaire du domaine public - Dans un arrêt du 29 juin 2018, le Conseil d’État est venu poser les conditions d’indemnisation du concessionnaire se voyant ordonné de retourner à l’Administration des biens, nécessaires à l’exploitation du service public, dont il était propriétaire avant la conclusion du contrat. L’occasion pour la Haute juridiction de parachever son vade-mecum applicable aux biens de retour.
La communauté de communes de la vallée de l'Ubaye (CCVU) avait conclu une délégation de service public pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation de remontées mécaniques, pour une durée de quatorze ans. À l’expiration de cette convention, elle a souhaité revenir à une gestion en régie du service. Par une première délibération, elle a alors ordonné que les biens affectés à l’exploitation du service lui soient retournés. Par une seconde délibération, elle a admis le versement d'une contrepartie financière à son cocontractant, ancien propriétaire des biens en cause au titre de leur rachat.
Le préfet, estimant que ces délibérations étaient illégales, les a déférées devant le juge. Le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel ont rejeté ses requêtes.
Saisie en cassation par le ministre de l’Intérieur, la Haute juridiction administrative commence par rappeler qu’ « à l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés (…) dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public » (v. CE, ass., 21 déc. 2012, n° 342788, Cne de Douai, Le Lamy Droit public des affaires 2018, nos 3423 et s.).
De telles règles, affirme le Conseil d’État, « trouvent également à s’appliquer lorsque le cocontractant de l’Administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci ».
Les juges du Palais-Royal poursuivent en indiquant que « dans l'hypothèse où la commune intention des parties a été de prendre en compte l'apport à la concession des biens qui appartenaient au concessionnaire avant la signature du contrat par une indemnité, le versement d'une telle indemnité n'est possible que si l'équilibre économique du contrat ne peut être regardé comme permettant une telle prise en compte par les résultats de l'exploitation ; qu'en outre, le montant de l'indemnité doit, en tout état de cause, être fixé dans le respect des conditions [fixées par l’arrêt « Commune de Douai »],afin qu'il n'en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique ».
Rappelons en effet que l’arrêt précité du 21 décembre 2012, posant le dispositif d’indemnisation de la part non amortie des biens de retour, établit que « lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat ».
Le Conseil d’État a par conséquent estimé que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit « en jugeant que la propriété des biens en cause, alors même qu'ils étaient nécessaires au fonctionnement du service public concédé, n'avait pas été transférée à la communauté de communes dès la conclusion de la convention du seul fait de leur affectation à la concession de service public et que ces biens n'étaient pas régis par les règles applicables aux biens de retour, pour en déduire que le concessionnaire avait droit, du fait de leur retour dans le patrimoine de la CCVU, à une indemnité égale à leur valeur vénal ». Et d’en inférer que l’arrêt attaqué devait être annulé en tant qu’il rejetait les conclusions du préfet tendant à l’annulation des délibérations litigieuses.
Source : PRO+ LamyLine.
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