Soupçons de tricherie à « Koh-Lanta ». Que risquent les candidats qui auraient enfreint les règles ?

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Le nom du gagnant de ce « All Stars » de « Koh-Lanta » sera connu ce mardi soir. Mais cette édition restera dans les mémoires comme celle qui a été entachée par le plus grand nombre de soupçons de tricherie des candidats. Alors que risquent ceux dont les noms circulent et qui n’auraient pas respecté le règlement ? On a posé la question à deux avocats.

Double suspense pour les amateurs de Koh-Lanta dont l’édition anniversaire intitulée « La Légende » tirera sa révérence ce 14 décembre après avoir passionné les téléspectateurs durant plus de quinze semaines de diffusion. Si le nom du gagnant sera enfin dévoilé, le sort réservé aux candidats soupçonnés d’avoir triché pourrait lui aussi faire l’objet d’une mention lors de la finale.

Pour comprendre l’enjeu de ce grand dénouement, Ouest-France a contacté deux avocats spécialisés en droit des contrats. Que risquent les candidats en cas d’infraction aux règles si les faits sont avérés, quelles sanctions peut envisager la production… On fait le point à quelques heures du dépouillement final.

Pourquoi certains candidats sont-ils mis en cause ?

La réputation de Laurent et Claude, deux prétendants aux 100 000 € promis au vainqueur, est entachée par des rumeurs faisant état de repas, « pas d’alcool, mais du coca-cola, des pizzas, des pâtes, du fromage et du chocolat », rapporte Le Parisien , pris sur l’île de Raiatea où sont tournées les séances de conseils. Et si la triche est avérée, la sentence pour cette fourberie pourrait bien être irrévocable. C’est pour cette raison que le sort réservé aux gloutons apparaît comme le vrai enjeu de l’ultime épisode de ce mardi soir.

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Car Adventure Line Production (ALP) qui produit Koh-Lanta a officialisé il y a près d’une semaine l’ouverture d’une enquête et l’audition de plusieurs candidats soupçonnés de s’être rassasiés dans le dos des équipes présentes sur le lieu du tournage, en Polynésie française.

Contraires aux règles du jeu, ces comportements pourraient être à l’origine d’un ultime retournement de situation, jamais vu dans l’émission et sans doute même pas envisagé par la production lors du lancement de la saison en grande pompe.

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Que contiennent les contrats signés par les candidats ?

Tous les concurrents de Koh-Lanta sont liés à la production grâce à des contrats. Si seuls la production et les candidats connaissent le contenu exact de ces documents, il existe des dispositions générales qui encadrent les documents qui lient un candidat à une production.

Généralement, ils contiennent les dispositions liées au droit à l’image du candidat, des clauses de confidentialités liées au contenu des épisodes ainsi qu’un règlement « souvent en annexe », précise Me Benjamin Ingelaere, avocat en droit administratif au barreau d’Arras.

Ainsi lors de la signature du contrat qui les engage à participer à l’émission, Claude, Laurent ou encore Ugo se sont engagés à respecter les règles de l’émission parmi lesquelles la remise d’une somme de 100 000 € pour le vainqueur mais aussi les dispositions liées directement au déroulement du jeu comme l’interdiction de se faire livrer de la nourriture sur l’île.

« Les contrats contiennent aussi des clauses pénales, les sanctions liées à de mauvais comportements, propos ou en cas de non-respect des règles », ajoute Me Ingelaere. Ces sanctions peuvent être pécuniaires comme le non-versement de la prime de confidentialité en cas de divulgation du contenu des épisodes ou plus concrète, comme l’exclusion du candidat en cas de triche, comme c’est arrivé pour Teheiura.

Les 100 000 € peuvent-ils être retirés au gagnant en cas de triche ?

Parmi les hypothèses qui circulent quant à l’issue du jeu, figure celle de retirer les 100 000 € au gagnant s’il s’agit de Claude ou Laurent. Cette solution est possible « si c’est prévu dans le contrat signé par les participants », souligne Me Ingelaere.

Mais il est aussi possible que la production n’ait pas prévu le cas de figure dans lequel la triche serait avérée plusieurs mois après l’enregistrement de l’émission. « À mon avis, la production n’avait pas du tout imaginé cette hypothèse, selon laquelle, après l’émission, ils devraient confondre les candidats », sourit Me Sadry Porlon, avocat au Barreau de Paris, qui confie être un téléspectateur assidu de l’émission de TF1 chaque mardi soir.

Dans le cas où « la clause selon laquelle le gagnant est un tricheur n’existe pas » mais que la sanction est tout de même l’exclusion lorsque la triche est prouvée, « la production dispose alors d’une certaine souplesse quant au dénouement du jeu », poursuit l’avocat.

« Ils peuvent par exemple décider de faire gagner Ugo qui, si la triche des deux autres finalistes se confirme, est le seul à ne pas être mêlé aux polémiques », évoque Me Porlon. Toujours est-il que s’il n’est pas choisi par les autres candidats lors du vote final, Ugo pourrait ne pas remplir toutes les conditions pour recevoir le gain, ce qui pourrait faire l’objet de contestation.

Autre possibilité évoquée par Télé Loisirs, ALP pourrait reverser la somme promise au vainqueur à la fondation Bertrand-Kamal, ancien candidat décédé en 2020 d’un cancer.

À quelles conditions une sanction pourrait-elle être prise lors de la finale ?

Si le gagnant doit recevoir une sanction, la triche doit d’abord être prouvée. « C’est tout l’intérêt de l’enquête lancée par la production », insiste Me Porlon. Il précise que « la charge de la preuve appartient au demandeur », ce qui signifie que pour qu’une sanction soit envisagée la tricherie doit être formellement prouvée.

Décrite par le Parisien, l’existence d’une photo où Laurent serait « attablé devant des assiettes bien garnies à l’extérieur d’un bungalow, en compagnie de Claude et de deux autres camarades de tricherie », pourrait constituer une pièce à conviction, assurent les deux avocats.

Toutefois, le quotidien parisien assure qu’ALP a connaissance de l’existence de ce cliché mais n’en dispose pas pour autant. De plus, pour garantir que la preuve est fiable « il faudrait que la personne qui a pris la photo témoigne », ajoute Me Porlon. « En tout cas, ce soir, si une sanction est prise, c’est qu’il y a eu une preuve. »

Ce dont veut s’assurer la société de production c’est que lorsqu’une sanction sera prise, elle ne soit pas contestée par les personnes concernées, ce qui ajouterait des remous à la polémique. D’autant que les candidats qui n’ont pas été impliqués dans la triche pourraient à leur tour intenter un recours contre la production.

C’est pour cette raison qu’elle semble chercher par tous les moyens de faire avouer les principaux concernés.

Quel est l’enjeu pour la société de production ?

Car la production joue gros. Très populaire, l’émission a drainé cette saison entre 3,8 et 5,5 millions de téléspectateurs par semaine, en baisse par rapport aux trois saisons diffusées depuis le début du premier confinement. « Koh-Lanta » est donc une source de revenus publicitaires importante pour TF1 et son image égratignée pourrait encore réduire les audiences et donc les recettes générées par l’émission.

Le choix de révéler ou non la tricherie si elle est prouvée revient à la production. Elle doit ensuite évaluer le « rapport coût avantage » d’en parler dans l’émission. Car de telles révélations ont un impact « en termes d’images » pour l’émission qui ne cesse de louer les valeurs sportives de ses candidats, mais il peut être moins important que « les conséquences juridiques » qui pourraient toucher la production si elle décidait de camoufler la triche sans aucune sanction, détaille Me Ingelaere.

Les candidats concernés peuvent aussi y perdre des plumes car la notoriété apportée par l’émission leur permet de conclure des contrats où ils vendent leur image pour promouvoir des marques sur les réseaux sociaux, par exemple.

En tout cas, les deux avocats contactés l’assurent, si un point final est posé sur cette affaire ce 14 décembre, on ne saura jamais comment s’est arrangée la production pour y parvenir. Car « des accords secrets auront pu être conclus » lors des rencontres entre les candidats et la production pour que chacun y trouve son compte.