Le droit de retrait des fonctionnaires en période de COVID19 / CORONAVIRUS.
Afin de disposer d’outils juridiques adaptés pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Dans ce cadre, les agents publics ont vu les modalités d’exercice de leurs fonctions modifiées. Ainsi, si certains fonctionnaires ont été placés en télétravail ou en autorisation spéciale d’absence (chômage partiel), d’autres ont été tenus de continuer à réaliser leurs missions en présentiel, courant ainsi le risque d’être contaminé.
I - Qu’est-ce que le droit de retrait dans la fonction publique ?
Le droit de retrait consiste en un mécanisme que l’agent public peut enclencher dès lors qu’il existe un motif raisonnable de penser qu’il se trouve exposé à un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection mis en place dans la structure au sein de laquelle il exerce ses missions. Cette procédure est prévue à l’article 5-6 du décret n° 82-453 du 18 mai 1982, ainsi qu’à l’article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 (FPT). Notons que la FPH, les EPIC et les EPA employant du personnel en application du droit privé sont soumis au Code du travail (article L4111-1).
Par conséquent, l’agent public doit démontrer qu’il fait face à un danger grave et imminent. L’agent public doit alors immédiatement alerter son chef de service (de préférence par écrit) et quitter son poste.L’agent peut également informer un représentant du personnel au CHSCT, qui informera lui-même le chef de service de la situation. Ladite situation sera ensuite consignée au sein d’un registre spécial.
Le chef de service est alors tenu de diligenter une enquête, mais également de prendre toute mesure nécessaire afin de faire cesser la situation dangereuse pour l’agent ; il en informe le CHSCT.Cette enquête permettra notamment de vérifier la réalité du danger avancé par l’agent public.
Si le droit de retrait exercé par l’agent se révèle être injustifié, ce dernier est mis en demeure de reprendre ses fonctions, et s’expose ainsi à des poursuites disciplinaires et à des retenues sur traitement. Par ailleurs, s’il existe une divergence de points de vue quant à la réalité du danger ou quant aux mesures mises en place pour y faire face entre le chef de service et le CHSCT, celui-ci se réunit sous 24 heures ; l’inspecteur du travail est alors informé de la tenue de cette réunion et peut y assister.
Le CHSCT rend un avis, permettant à l’administration de prendre les mesure adéquates. Si une divergence d’opinions persiste ente l’administration et le CHSCT, l’inspecteur du travail est saisi.
L’exercice du droit de retrait par un agent public ne peut entraîner aucune sanction, ni aucune retenue sur traitement. Il n’est également par possible de demander à l’agent de reprendre son poste si la situation dangereuse subsiste.
Il existe cependant des missions incompatibles avec l’exercice du droit de retrait. Celles-ci sont prévues par arrêtés ministériels.
A titre d’exemple, l’arrêté du 15 mars 2001 énonce que les agents publics exerçant des missions de secours et de sécurité au sein de la fonction publique territoriale, telles que celles des sapeurs-pompiers, de la police municipale ou encore des gardes champêtres, ne peuvent faire usage du droit de retrait.
Il convient de préciser que l’agent public est tenu de reprendre son poste dès lors que la situation dangereuse a cessé.
II. L’exercice du droit de retrait face au covid-19
Bien que nous faisons actuellement face à une épidémie très lourde, cela n’implique pas que le droit de retrait puisse automatiquement être exercé. D’une part, la mise en oeuvre du droit de retrait souffre d’une limite : elle ne doit pas entraîner une nouvelle situation de danger grave et imminent pour autrui.
Ainsi, il est possible d’imaginer que si de nombreux agents appartenant à la fonction publique hospitalière décidaient d’engager leur droit de retrait, cela entraînerait un grand risque pour le personnel qui resterait en fonctions, mais également pour les usagers.
Par ailleurs, l’exercice du droit de retrait ne doit pas porter atteinte à la salubrité publique ainsi qu’à la continuité du service public. Rappelons que la salubrité publique renvoie aux mesures prises en vue de préserver la santé de la population, et ainsi la protéger contre les épidémies.
Par conséquent, encore une fois, si nous reprenons l’exemple précédent, une carence en matière de personnel soignant due à l’exercice du droit de retrait porterait atteinte à ce principe.
Néanmoins, le droit de retrait reste bel et bien une prérogative dont les agents publics peuvent se prévaloir, et ce même en période de covid-19, notamment s’ils sont en contact avec du public ou des groupes, s’ils ne bénéficient d’aucune mesure de protection et que les règles de prévention et de sécurité ne sont pas respectées au sein du service.
Un chef de service pourrait cependant estimer que l’agent public concerné ne fait pas véritablement face à une situation de danger grave et imminent. Il pourra ainsi arguer avoir tout mis en oeuvre pour que la sécurité et la santé de ses agents soit préservée.
Quoiqu’il en soit, l’épidémie de covid-19 ayant également induit certaines pénuries (masques, gel hydro-alcoolique, blouses, etc), il est légitime de penser que la santé et la sécurité des agents publics n’est pas préservée de la manière la plus efficiente possible. Le problème qui se pose en ce qui concerne la situation actuelle est que le manque de protection des personnels s’oppose à la continuité du service public et à la préservation de la salubrité publique ; ainsi, deux aspects fondamentaux s’entrechoquent…