Le certificat d'exclusivité en marché public.

Si en principe la passation des marchés publics doit respecter les principes de liberté de la concurrence et d’égalité, Il ressort des dispositions de l’article L 2122-1 du code de la commande publique que : « L'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d'Etat lorsque en raison notamment de l'existence d'une première procédure infructueuse, d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d'une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur.»

En application de ces dispositions, le code prévoit qu’un marché peut effectivement être conclu sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque la valeur estimée du marché est inférieure à 40 000 euros HT (article R.2122-8), lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu’il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais exigés par une procédure de passation (article R.2122-1) et tel est le cas également lorsqu’il ne peut être confié “qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité “ (article R.2122-3).

En effet il ressort de ces dernières dispositions que : « L'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l'une des raisons suivantes :

1° Le marché a pour objet la création ou l'acquisition d'une œuvre d'art ou d'une performance artistique unique ;

2° Des raisons techniques.

Tel est notamment le cas lors de l'acquisition ou de la location d'une partie minoritaire et indissociable d'un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l'acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l'immeuble à construire ;    

3° L'existence de droits  d'exclusivité,  notamment  de  droits  de  propriété  intellectuelle. Le recours à un opérateur déterminé dans les cas mentionnés aux 2° et 3° n'est justifié que lorsqu'il n'existe aucune solution de remplacement raisonnable et que l'absence de concurrence ne résulte pas d'une restriction artificielle des caractéristiques du marché."

Le recours au marché sans ni mise en concurrence et sans publicité préalables ne pourra qu’être possible en établissant l’existence de droits exclusifs au sens de l’article R. 2122-3 du code de la commande publique.

Le Conseil d’État dans sa jurisprudence a pu admettre que cette condition était remplie lorsque le prestataire ayant conçu un logiciel est le seul à disposer des droits pour la maintenance et l’exploitation de ce logiciel (cf, Conseil d’État, 2 octobre 2013 « Département de l’Oise », n°01652) ou en établissant un certificat d’exclusivité suffisamment précis et comportant un certain nombre d’information dont l’étendue, la nature et la réalité des droits d’exclusivités.

En effet, la jurisprudence a estimée qu’un certificat d’exclusivité établi par une société « qui se borne à énumérer de manière succincte et générique une liste de matériels et prestations pour lesquels ladite société disposerait d’une exclusivité » ne respecte pas les exigences (CAA Paris, 11 décembre 2018, « Société Steam France »). Le pouvoir adjudicateur doit pouvoir établir qu’à la date à laquelle le marché a été attribué, l’opérateur économique disposait de droits d’exclusivité, notamment des droits de propriété intellectuelle.

Outre l’existence d’un droit exclusif, les textes exigent que les besoins du pouvoir adjudicateur ne puissent être satisfaits que par les prestations protégées par ce droit et à l'exclusion de procédés différents. Le juge administratif veille ainsi à ce qu'un seul fournisseur soit susceptible d'effectuer les prestations recherchées, en ce sens, Conseil d’Etat, 19 sept 2007 “Communauté d’agglomération de Saint-Étienne Métropole SITA FD”). En somme, pour prévenir des risques contentieux, le pouvoir adjudicateur devra disposer d’un rapport précis sur l’exception de mise en concurrence.

Les risques pour l acheteur public d'une procédure négociée sans publicité préalable.

Les risques issus d'une attribution du marché à un prestataire déterminé sans mise en concurrence.

La mise en place d’une procédure négociée sans mise en concurrence préalable et sans publicité est susceptible de contrôle de la part du juge.

Ces recours s'inscrivent dans la procédure globale issue de la dématérialisation des marchés publics.

Plusieurs recours s’offrent à une société évincée en application du Code des marchés publics et de la jurisprudence.

Une société évincée dispose de la possibilité de saisir, avant la conclusion du contrat, le juge des référés en application des dispositions de l’article L.551-1 du code de justice administrative.

En effet en vertu de ces dispositions : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. ».

De plus l’article L551-2 du même code définit les pouvoirs du juge dans le cadre de ce recours :

« I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations.»

Ainsi toute société évincée est susceptible de saisir le juge des référés qui pourra éventuellement suspendre la procédure de passation, modifier certaines clauses ou encore annuler toute la procédure. Le risque est donc important puisque le juge du référé dispose à ce titre de la possibilité d’annuler la procédure de marché négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable si la réunion de ces conditions n’est pas démontrée (voir en ce sens à titre d’exemple la décision du tribunal administratif d’Amiens en date du 7 mai 2013, n01301058).

  • En second lieu, une fois le contrat conclu tout concurrent évincé peut formuler devant le juge administratif un recours visant à contester la validité du contrat ou un référé contractuel.

01/13/2021 - Article réalisé par Saloua AFKIR