Comment rédiger un recours en excès de pouvoir devant le Tribunal administratif ? Retrouvez ici la retranscription de notre podcast en droit public.

Dans ce podcast nous vous expliquons : 

  1. Dans quel délai saisir le Tribunal administratif ?
  2. Comment rédiger son recours en excès de pouvoir ?
  3. Comment se passe l'audience devant le Tribunal administratif ?
  4. Comment faire appel d'un jugement rendu par le Tribunal administratif ?

 

Merci d’écouter et de suivre cette chaine podcast qui est une nouveauté, donc bienvenue sur ce premier podcast de la chaine et le premier podcast de l’année.

Ce que je vous propose, au terme de ces différentes séries qui auront lieu au cours des mois suivants, c’est d’aborder les différentes problématiques et les différentes questions que nos clients ou tout simplement les étudiants se posent en général sur le droit public. Donc le droit public qui est le droit de la sphère publique.

Ce que je vous propose c’est dans un premier temps d’aborder déjà la base du contentieux en droit public, en droit administratif. Donc, comment saisir les juridictions administratives et donc le Tribunal administratif. Et, bien entendu, à l’issue de ce premier podcast, je vous invite à me transmettre notamment dans le cadre des commentaires sous le podcast ou directement par mail des questions que vous auriez à la fois sur les thèmes et les sujets qui ont été abordés aujourd’hui, mais également, et surtout si vous souhaitez voir aborder d’autres thématiques.

Alors pour commencer aujourd’hui, je vous propose d’aborder la notion de requête devant le Tribunal administratif.

recours en excès de pouvoir

 

Comment rédiger un recours en excès de pouvoir ?

 Qu’est-ce qu’une requête ? Comment la rédiger et ensuite quel est le devenir de cette requête ? C’est-à-dire qu’à partir du moment où vous transmettez votre requête devant la juridiction administrative, comment est-ce que cette requête est transmise à la partie adverse ? Dans quel délai peut-elle répondre ? Et ensuite comment cela se passe jusqu’à l’audience ?

 

Qu’est-ce qu’une requête devant le Tribunal administratif ?

 Une requête est le document qui permet de saisir le Tribunal administratif. Cette requête doit être déposée et notifiée à l’encontre d’une décision administrative.  

Pour prendre dans un ordre chronologique et pour être extrêmement clair, vous êtes un administré, un citoyen ou un agent de la fonction publique et vous souhaitez contester une décision administrative. On va prendre le cas le plus classique et le plus simple, vous êtes Monsieur Tartempion agent de la fonction publique et vous vous êtes vu remettre, notifier, une décision individuelle à savoir, par exemple, une sanction disciplinaire.

« Monsieur Tartempion agent de la fonction publique s’est vu notifier par son administration, par courrier recommandé avec accusé de réception, une sanction disciplinaire ». Cette sanction disciplinaire est une décision individuelle défavorable et elle peut faire l’objet, comme toutes les décisions administratives qu’elles soient individuelles donc concernant une personne, ou réglementaires c’est-à-dire concernant un ensemble de personnes, cette décision administrative dès lors qu’elles font grief, c’est-à-dire qu’elles retirent ou créent du droit, et qu’elles vont modifier ce que l’on appelle l’ordonnancement juridique, ces décisions administratives peuvent être contestées dans un délai de 2 mois.

Dans un délai de 2 mois, vous pouvez déposer une requête devant le Tribunal administratif compétent. Exemple pour le Nord, Lille, pour Paris, Paris, et cela peut-être Cergy-Pontoise, Nice, Toulouse, Marseille, Pau, Versailles, etc. Donc vous vous renseignez sur le Tribunal administratif géographiquement compétent.

Comment rédiger cette requête devant la juridiction administrative ?

Une requête est toujours rédigée en 4 parties.

Sur la page de garde, vous allez indiquer quelle est votre identité (nom, prénom, adresse) éventuellement vos coordonnées. Pour Monsieur Tartempion, Contre - attention ce n’est jamais contre telle administration, mais contre une décision - donc dans contre, vous allez viser et notifier la décision que vous contestez.

Dans notre exemple, Monsieur Tartempion va contester la décision de sanction en date du xxx.

Une première partie qui est le « Rappel des faits et de la procédure ». Rappel des Faits, tout simplement vous allez expliquer chronologiquement ce qui s’est passé et les faits concernant votre dossier, vous allez indiquer qui vous êtes, dans quel contexte vous avez reçu cette décision et pourquoi vous souhaitez contester cette décision.

La seconde partie de votre argumentation, il s’agit de la partie dite de « Discussion ».

Dans la partie dite de discussion, vous allez viser, c’est très important, les articles de loi et également les jurisprudences dont vous entendez vous prévaloir. Les jurisprudences, qu’est-ce que c’est ?

Ce sont les décisions rendues par le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs de France dans des décisions similaires à la vôtre.

Dans notre exemple, Monsieur Tartempion dans le rappel des Faits a expliqué qui il était, quel poste il occupait et dans quel contexte factuel il était destinataire de la décision qu’il entend contester.

Dans la partie discussion, vous allez en premier lieu partir du plus général au plus précis, le plus général vous reprenez les articles de lois sur votre situation. Donc par exemple, les lois sur la fonction publique ou alors si c’est de l’urbanisme vous reprenez les articles du Code de l’urbanisme que vous souhaitez soumettre au juge.

Pour les jurisprudences, vous avez notamment sur le site Légifrance, par exemple, qui est extrêmement bien fait, vous pouvez également les retrouver sur le site Doctrine.fr qui est également très bien fait.

Donc sur ces différents sites, alors je ne vais pas tous les citer parce qu’il y en a énormément, mais vous allez pouvoir taper avec des mots-clés votre propre problématique, exemple fonction publique, sanction disciplinaire violence ou alors permis de construire, illégalité, construction trop haute.

Lorsque vous avez trouvé ces jurisprudences, vous les intégrez dans votre requête et dans la dernière partie de cette argumentation vous expliquez pourquoi au regard d’une part de la loi, d’autre part de la jurisprudence et en dernier lieu au regard ce qui vous arrive dans votre dossier, in concreto comme on dit, vous estimez que jurisprudence et loi vont dans votre sens.

La dernière partie de cette requête est ce que l’on appelle le « Par ces motifs ». Il s’agit de votre conclusion, donc vous allez indiquer au magistrat ce que vous souhaitez, c’est très important, pourquoi ?

Parce qu’on le verra par la suite, les erreurs à ne surtout pas commettre.

Alors dans ce « Par ces motifs », vous indiquez, exemple, annuler la décision en date du xxx, faire droit à telle demande et bien entendu condamner l’administration, condamner le ministère, condamner l’État à vous régler la somme de xxx que vous fixez librement au regard des dispositions de l’article L761-1 du Code de justice administrative, il s’agit du remboursement de vos frais de justice, vos frais d’avocat notamment.

Une fois que vous avez rédigé cette requête, vous transmettez dans un bordereau annexe, ce que l’on appelle le bordereau de communication de pièces jointes puisque vous listez toutes vos pièces.

Quels sont les erreurs et les écueils à ne pas commettre dans le cadre de la rédaction d’une requête ?

Première chose qui est très importante, à chaque fois que vous citez une pièce ou que vous évoquez une pièce dans votre requête, il faut que vous mettiez dans le corps du texte le numéro de pièce. Exemple, la décision de sanction disciplinaire en date du 23 janvier 2021, entre parenthèses (pièce jointe n°1) et vous listez en fait dans le corps de votre texte systématiquement l’intégralité des pièces que vous transmettez.

Deuxième point fondamental, lorsque vous communiquez une requête au Tribunal administratif, il est impératif, à titre d’irrecevabilité de votre requête, de transmettre copie de la décision que vous attaquez. Attention, parce qu’on le voit trop souvent au cabinet lorsque l’on reprend parfois des dossiers, qui ont été mis en place par des particuliers seuls, pour rattraper la procédure, si vous ne transmettez pas la décision attaquée au Tribunal, c’est une cause d’irrecevabilité.

Troisième point également extrêmement important, il faut soulever des moyens juridiques, c’est-à-dire que votre requête doit être rédigée en fait et en droit, c’est-à-dire que vous devez juridiquement déployer votre argumentaire.

Autre point très important également, votre requête ne doit pas être une invitation au juge à se prononcer, c’est-à-dire que vous avez beaucoup de requêtes qui vont être rédigées de la manière suivante où vous dites au juge :

« Je ne suis pas d’accord avec cette décision Monsieur le Juge, je souhaitais vous en informer et je vous laisse la possibilité de me dire ce que vous en pensez. » Sauf que lorsque l’on saisit une requête, on demande au juge une annulation d’une décision, il faut le dire clairement. C’est-à-dire que cela ne peut pas être un courrier pour vous plaindre auprès du magistrat du sens de la décision, cela peut paraître étonnant, mais il y a beaucoup de requêtes qui peuvent être rédigées de cette manière et cela n’est pas recevable et votre procédure sera déclarée irrecevable.

Autre point également très important, il faut que vous signiez et datiez votre requête devant le Tribunal administratif.

Voilà pour les différentes règles. Il y a une spécificité, que l’on abordera probablement dans un second podcast, en matière de droit de l’urbanisme. Puisqu’attention, si vous souhaitez contester le permis de construire, par exemple de votre voisin, l’article R600-1 vous oblige de transmettre copie de votre requête à la fois au bénéficiaire du permis, mais également à la mairie qui a émis le permis. Il s’agit d’un point important, mais on y reviendra très probablement dans le cadre d’un second podcast.

On vient de voir un peu la manière dont devait être rédigée cette requête devant le Tribunal administratif, point important vous allez me dire, comment la transmettre ?

Il y a quelques années, il fallait se rendre au Tribunal administratif, vous remettiez 4 exemplaires de votre requête qui était enregistrée au niveau du greffe. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus simple puisqu’il y a ce que l’on appelle le télérecours citoyen, vous tapez dans Google télérecours citoyen et vous allez tomber immédiatement sur le portail numérique, qui est très bien fait, au sein duquel vous allez simplement glisser, sous format PDF, votre requête qui est ensuite transmise à la juridiction.

Une fois que vous avez rédigé votre requête, en prenant les bons conseils, et que vous avez transmis votre requête seul par le biais du télérecours, que se passe-t-il ?

Cette requête une fois transmise, vous n’avez rien à faire puisque c’est le greffe du Tribunal administratif qui va communiquer directement votre requête aux différentes parties de la procédure.

On reprend notre bon vieux Monsieur Tartempion qui transmet sa requête par télérecours citoyen au Tribunal administratif, cette requête va être transmise à la mairie directement par le greffe. Une fois que votre adversaire a en possession cette requête, il va alors vous transmettre un mémoire en défense, il n’y a pas de délai réel pour obtenir cette réponse ce qui peut paraître étonnant, mais nous avons de cesse de le répéter à nos interlocuteurs, c’est-à-dire qu’à partir du moment où votre requête est envoyée, parfois malheureusement, transmettre une requête au Tribunal administratif c’est un peu comme envoyer une bouteille à la mer et on ne sait pas réellement quand elle reviendra.

Malheureusement, force est de constater que c’est souvent le cas, c’est-à-dire que vous transmettez votre requête et il peut s’écouler 3 mois si on est chanceux, 5 mois, 6 mois, 8 mois, parfois 1 an avant d’avoir une réponse, un mémoire en défense de la part de votre contradictoire et de la part de l’administration.

Alors vous allez me dire, « je n’ai pas envie d’attendre 1 an, cela me semble extrêmement long ».

Si vous estimez par exemple, au bout de 4-5-6 mois que vous n’avez pas eu de retour de la part de votre contradicteur, vous pouvez écrire un courrier au greffe du Tribunal administratif pour demander une mise en demeure ou alors une clôture du dossier.

Bon, très franchement, lorsque vous le faites c’est possible, mais il y a 9 chances sur 10 pour que le Tribunal vous dise que « non, on ne va pas enrôler le dossier parce que l’on attend la réponse de l’administration et on va simplement relancer gentiment l’administration ».

Plusieurs semaines s’écoulent et vous êtes cette fois-ci destinataire heureux de la réponse, du mémoire en défense de l’administration qui est bien souvent rédigé par leurs avocats. Vous pouvez, vous, à nouveau répondre à ce mémoire dans le cadre d’un mémoire complémentaire et donc vous venez répliquer aux observations adverses.

Ce mémoire est à nouveau transmis à l’administration qui dispose à nouveau d’un certain délai pour vous répondre.

En général au bout d’un an, 1 an et demi, vous vous êtes échangé plusieurs jeux d’écritures avec votre administration adverse.

Le juge administratif va répondre ce que l’on appelle une ordonnance de clôture d’instruction qui est communiquée à chacune des parties, et le juge va vous dire « attention, à partir du 2 mars 2022 midi, plus personne ne pourra produire le moindre élément dans cette affaire ».

Dès lors que vous êtes en possession de cette ordonnance de clôture d’instruction, il faut ensuite vous attendre à avoir un avis d’audience.

Vous recevez un avis d’audience, c’est-à-dire que vous êtes destinataire d’un courrier, toujours mis à disposition sur la plateforme télérecours citoyen, vous informant que votre dossier sera appelé à l’audience en date du 13 juin, admettons 2022.

Comment se passe l’audience devant le Tribunal administratif ?

L’audience devant le Tribunal administratif n’a d’audience que le nom, c’est-à-dire que contrairement à l’image Épinal que l’on peut avoir de la justice, le procès devant le Tribunal administratif n’est pas un procès où il va y avoir 3 heures consacrées à votre affaire devant la juridiction administrative, où l’on va plaider en long, en large et en travers puisque la procédure administrative est une procédure qui est écrite.

C’est-à-dire que tout est jugé sur pièces et sur vos écritures, vous n’avez pas le droit le jour de l’audience de transmettre de nouvelles pièces, vous n’avez pas le droit le jour de l’audience de faire citer des témoins, vous n’avez pas le droit le jour de l’audience de remettre votre dossier au magistrat et vous n’avez pas le droit non plus la veille de l’audience de produire de nouvelles pièces.

C’est-à-dire que tout doit être fait en amont.

 

 

Est-ce utile d'aller à l'audience devant le Tribunal administratif ?

Parce que c’est une procédure sur le fond - le référé, on le verra par la suite, c’est vraiment différent, on le verra dans le cadre d’un prochain podcast - quand c’est une procédure sur le fond, c’est toujours utile d’aller à l’audience pour une chose essentiellement qui est d’entendre les conclusions du rapporteur public.

Alors si vous décidez d’aller à l’audience, encore une fois c’est hautement facultatif en termes de statistique, sur 10 dossiers qui sont appelés à une même audience, il y en a peut-être 2 ou 3 où les parties sont présentes.

Si vous êtes présents ni vous ou votre avocat ne pouvez réellement plaider le dossier, c’est-à-dire que l’on vous invite à formuler de brèves observations, donc vous pouvez en 5 minutes formuler de brèves observations, c’est-à-dire attirer l’attention du magistrat sur 2 ou 3 points qui sont repris dans les écritures. Puisqu’encore une fois, attention, vous ne pouvez pas développer des choses qui ne sont pas dans vos écrits, cela reste quand même assez restreint.  

Alors pourquoi est-ce qu’il peut quand même y avoir un intérêt à se rendre à cette audience ?

C’est parce que lorsque vous passez devant la juridiction administrative, vous avez 3 magistrats, ce sont les 3 magistrats du siège, ce sont eux qui prendront la décision.

Et vous avez à leur droite ou à leur gauche, cela dépend un peu de la disposition des lieux, vous avez quelqu’un qui est tout seul dans son box, cela ressemble un peu à un procureur de la République, mais ce n’est pas le cas, il s’agit du rapporteur public qui est un magistrat indépendant qui va, le jour de l’audience, donner son avis sur votre affaire, ce n’est pas lui qui prend les décisions, il n’influence pas les magistrats qui prendront la décision, mais il s’agit d’un quatrième magistrat indépendant qui va résumer votre affaire, qui va reprendre soit dans des conclusions qui sont extrêmement bien faites, c’est vraiment un travail de fond de très grande qualité qui est réalisé par les rapporteurs publics, et ce rapporteur que l’on appelait avant le commissaire du gouvernement va estimer si oui ou non vos prétentions doivent être accueillies par le Tribunal.

Donc il va dire « oui, j’estime que la requête de Monsieur Tartempion est judicieuse et donc doit être accueillie et je sollicite l’annulation. Je conclus à l’annulation de la décision contestée » ou il va vous dire au contraire « moi j’estime que la condition contestée est légale ».

Une fois que le rapporteur public a terminé ses conclusions, le président donne la parole aux parties « Est-ce que vous souhaitez Maître INGELAERE formuler des observations sur les conclusions qui sont faites en public, vous avez la parole ».

Vous vous levez, vous pouvez formuler quelques observations.

Il n’y a pas de débat en réalité entre les avocats puisque chacun se lève à tour de rôle et chacun à quelques instants pour formuler quelques observations, donc on est très loin des prétoires en droit pénal où on peut voir les avocats s’écharper ou poser des questions aux témoins ou faire des effets de manches.

Là, on en est très loin puisque l’on est chacun derrière notre petit bureau et on se lève lorsque notre tour vient pour formuler quelques observations.

C’est pour cela qu’il est très important, si vous voulez, de faire appel à un Conseil qui est vraiment spécialisé dans le droit public qui va réellement rédiger des requêtes, des mémoires extrêmement charpentés, il faut que vos mémoires soient complets, la jurisprudence, les dispositions légales, les pièces justificatives, c’est vraiment un travail d’orfèvres d’un point de vue juridique puisqu’il faut que tout soit vraiment fait en amont.  

À l’issue de l’audience, c’est une question qui est souvent posée par les clients, « Maître, est-ce que l’on aura les décisions le jour même ? » Non, vous n’avez jamais la décision le jour même. La décision est mise en délibéré à un ou deux mois, c’est souvent indiqué par le Président à l’issue de l’audience. Ensuite cette décision vous sera transmise par courrier recommandé avec accusé de réception.

Lorsque vous êtes destinataire de cette décision, vous avez alors un délai de 2 mois pour la contester devant ce que l’on appelle la Cour administrative d’Appel. Et là, c’est rebelote, le système est en tout point similaire à ce qui se fait en première instance et vous pouvez déposer une requête en appel devant la Cour administrative d’Appel.

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