Les personnes publiques peuvent devenir propriétaire par l’écoulement du temps (Cour de Cassation, 4 janvier 2023, Pourvoi n° 21-18.993)

Par une décision récente, la Cour de Cassation a confirmé que les personnes publiques peuvent devenir propriétaires par prescription acquisitive, autrement appelée, usucapion.  

L’usucapion se définit comme l’acquisition de la propriété, d’un bien ou d’un droit, par l’effet de la possession ; pour les biens immobiliers,  il s’agit d’une possession pendant une période de 30 ans.

Il s’agit d’un mode d’acquisition de propriété classique en droit privé, prévue par l’article 2258 du code civil qui prévoit que :

« La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. ».

La Cour de Cassation justifie cette acquisition car elle répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable et exige une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (3e Civ., 17 juin 2011, pourvoi n° 11-40.014, Bull. 2011, III, n° 106).

Par cette décision, la Cour de Cassation permet de répondre à la question de savoir si les personnes publiques peuvent bénéficier de l’usucapion.

Cela ne relevait pas de l’évidence dans la mesure où le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) énumère les modes d’acquisition des biens mobiliers et immobiliers par les personnes publiques, en n’incluant pas cette prescription acquisitive trentenaire.

En l’espèce, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré qu’en n’incluant pas l’usucapion dans le CG3P comme un mode d’acquisition, le législateur a entendu d’en exclure le bénéfice aux personnes publiques :

« Pour déclarer irrecevable l'action en revendication de la commune, l'arrêt retient que, même si le code civil ne distingue pas entre les personnes, le code général de la propriété des personnes publiques énumère de manière exhaustive et exclusive les modes d'acquisition des biens immobiliers et mobiliers par les personnes publiques, de sorte que, depuis son entrée en vigueur, la prescription acquisitive, qui n'y est pas mentionnée, ne peut plus être invoquée par une personne publique. ».

La Cour de Cassation a censuré cette interprétation au visa du livre premier du CG3P, de l’article 2258 du code civil, précédemment cité, ainsi que de l’article 712 du même code, qui dispose que :

«  La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription. ».

Sur le fondement de ces textes, la Cour de Cassation considère que le CG3P n’a pas entendu exclure la possibilité pour les personnes publiques d’acquérir la propriété par prescription :

«  Selon les deux premiers textes, la propriété s'acquiert par la prescription qui est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession. Ces textes ne réservent pas aux seules personnes privées le bénéfice de ce mode d'acquisition […]

 Le livre susvisé énumère des modes d'acquisition de la propriété des personnes publiques, sans exclure la possibilité pour celles-ci de l'acquérir par prescription. ».

La Cour de Cassation a donc cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel par cette interprétation qui répond à un besoin de sécurité juridique.

 

https://www.courdecassation.fr/decision/63b7c9be6b63637c907b762e

 

Alexandre BLANCO

Avocat