Le classement en espace boisé obstacle à la création d’une servitude de passage prévue par un titre antérieur
Le classement en espace boisé interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements.
Par acte du 5 janvier 1984, des époux avaient acquis une parcelle à bâtir, l’acte prévoyant également la création d’une servitude de passage constituée par une bande de terre de quatre mètres de largeur sur la partie sud du fonds servant, désormais classé en espace boisé et appartenant à un syndicat de copropriétaires.
Estimant que le syndicat ne respectait pas la servitude en réduisant son assiette à trois mètres, ils l’avaient alors assigné, après expertise, pour être autorisés à faire réaliser les travaux préconisés par l’expert (réalisation d’un béton ferraillé de 150 mètres carrés et mise en place d’un système d’écoulement des eaux de pluie nécessaire à la mise en œuvre de la servitude initiale). Le syndicat avait quant à lui demandé, à titre reconventionnel, que les époux soient condamnés sous astreinte à créer la servitude de passage prévue dans l'acte du 5 janvier 1984. Ces derniers accédaient en effet au fonds dominant par un ancien chemin existant avant même l’acquisition du terrain, dont une partie ne correspondait pas au tracé figurant sur le plan annexé à l’acte constitutif de la servitude.
Un arrêt irrévocable du 5 novembre 2013 a rejeté la demande des époux et accueilli celle du syndicat. Leur fils, nu-propriétaire de la parcelle, a alors formé tierce opposition à l'encontre de cet arrêt.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la tierce opposition, retenant que « la zone espace boisé classé où se situe désormais le fonds servant ne peut être un obstacle à la mise en œuvre d'une voie d'accès prévue par un titre antérieur à son existence, tandis qu'elle est de nature à empêcher l'élargissement sollicité après son instauration ».
Cette analyse n’est pas partagée par la troisième chambre civile qui censure l’arrêt d’appel au visa de l’ancien article L. 130-1 du Code de l’urbanisme en reprenant mot pour mot l’alinéa 2 (C. urb., art. L. 113-2, nouv.). Pour la Haute juridiction, « le classement en espace boisé interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements ». Peu importe donc que l’acte créant la servitude soit antérieur à ce classement. Elle renvoie les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence (pour une application récente du nouvel article L. 113-2 du Code de l’urbanisme, v. Cass. 3e civ., 11 janv. 2018, n° 17-17.173, qui retient que « la réalisation d'une voie de circulation [sur une partie d’une parcelle classée en espace boisé], même si elle ne suppose aucune coupe ou abattage d'arbres, constitue un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements dans un espace classé »).