Lorsqu'un militaire ou un gendarme commet un manquement grave à la discipline régissant sa profession, une procédure disciplinaire est ouverte à son encontre. Un conseil d'enquête composé de ses pairs se réunit à cet effet. Cet organe suit des règles strictes pour vérifier la matérialité des faits allégués contre l'agent pour émettre un avis de sanction au ministre des Armées. Quelles sont les condamnations concernées par le conseil d'enquête ? Comment est composé cet organe ? Comment se déroule l'instruction des affaires soumises au conseil d'enquête ? Comment se déroule la réunion du conseil d'enquête ? Ingelaere Avocats, cabinet spécialisé dans la défense des militaires et gendarmes vous explique l'essentiel à comprendre sur le fonctionnement du conseil d'enquête.

Les sanctions disciplinaires concernées par le conseil d'enquête

Conformément à l'article L4137-2 du Code de la défense, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux forces de l'ordre sont classées en trois catégories. Le conseil d'enquête n'est cependant constitué que pour décider d'une sanction de troisième groupe pour un gendarme ou un militaire ayant commis une faute d'une gravité particulière. Cela en vertu de l'article L4137-3 du Code de la défense applicable en France.

Les sanctions de troisième groupe sont particulièrement sévères et préjudiciables pour la suite de la carrière de l'agent sanctionné. Elles varient d'un retrait d'emploi à une radiation des cadres ou une résiliation du contrat en fonction du degré de gravité de la faute commise.

Le retrait d'emploi

C'est une sanction du troisième groupe que le conseil d'enquête peut prononcer à l'encontre des militaires de carrière. Elle place place l'agent réprimé en position de non-activité pour une période de 12 mois au maximum. Enpratique, le retrait d'emploi est prononcé pour une durée de 3, 6, 9 ou 12 mois.

Le temps durant lequel le gendarme ou le militaire est mis en position de non-activité par ce retrait n'est pas pris en compte pour les droits à l'avancement. La période sur laquelle la sanction est appliquée ne compte pas pour l'ouverture et la liquidation de la pension de retraite de l'agent.

Il faut aussi préciser qu'en position de retrait d'emploi, le gendarme ou le militaire cesse de faire partie de la liste d'ancienneté. IL ne lui sera versé que les 2/5 ème de sa solde augmentée de l'indemnité de résidence et du supplément familial de solde. À l'écoulement du temps indiqué pour la condamnation, le militaire ou le gendarme concerné est réintégré dans ses fonctions et bénéficie à nouveau pleinement des avantages rattachés à celles-ci.

La radiation des cadres

Lorsque le conseil d'enquête décide de radier un gendarme ou un militaire des cadres, ce dernier cesse définitivement toute fonction dans le corps. Autrement dit, la radiation des cadres signifie que l'agent ne fait désormais plus partie de la Gendarmerie nationale ou des forces militaires. Dans cette situation, la loi permet à l'agent radié de toucher des indemnités chômage.

La résiliation du contrat

La résiliation du contrat est une sanction qui s'applique aux militaires ou gendarmes sous contrat. Dans ce cas, le lien contractuel existant entre l'administration et ces personnes est rompu de manière définitive. La résiliation du contrat désigne donc la même réalité que la radiation des cadres, sauf que cette dernière s'applique uniquement à un militaire de carrière.

En définitive, si vous recevez un ordre de renvoi devant un conseil d'enquête, vous risquez un retrait d'emploi, une radiation des cadres ou une résiliation de contrat.

Le mode de composition du conseil d'enquête

Les règles relatives à la composition du conseil d'enquête sont définies aux articles R4137-67 à R4137-71 du Code de la défense. Conformément à l'article R4137-67, « ne peuvent siéger dans un conseil d'enquête que les militaires de carrière en position d'activité, de la même force armée ou formation rattachée que le comparant et non-bénéficiaires de l'un des congés prévus à l'article L.4130-2 ». Il s'agit là d'une disposition qui empêche les militaires sous contrat d'être membres du conseil d'enquête.

Les personnes habilitées à siéger dans cet organe doivent obligatoirement appartenir à la même force armée ou formation rattachée que le comparant. De façon concrète, si l'agent ayant reçu un ordre de renvoi devant le conseil d'enquête est un gendarme, le conseil doit être constitué de gendarmes de carrière. Lorsque le comparant est un militaire, les membres doivent également être des militaires.

En réalité, le conseil d'enquête comprend cinq membres dans chaque force armée ou formation rattachée. Le grade de ceux-ci varie cependant en fonction du grade de l'agent accusé d'avoir commis une faute passible d'une sanction de troisième groupe.

Lorsque le comparant est un officier

Si le militaire ou le gendarme convoqué devant un conseil d'enquête est un officier, l'instance est constituée ainsi :

  • quatre officiers possédant un grade supérieur à celui du comparant,
  • un officier titulaire du même grade que le comparant.

Néanmoins, s'il n'est pas possible de trouver un officier avec un grade similaire à celui de l'agent concerné, un officier plus ancien dans ce grade est choisi pour siéger.

Lorsque le comparant est un sous-officier

Le conseil d'enquête chargé de la sanction de troisième groupe à appliquer à un sous-officier est constitué de :

  • trois officiers,
  • deux sous-officiers.

Sur ce dernier point, l'un des deux sous-officiers doit nécessairement être du même grade que le comparant et l'autre d'un grade supérieur. Cependant, si aucun sous-officier ne correspond au grade requis, un gendarme ou un militaire d'un grade plus ancien est privilégié.

Lorsque le comparant est un militaire du rang

Pour statuer sur une sanction disciplinaire à infliger à un militaire du rang, le conseil d'enquête est composé de trois officiers et d'un sous-officier. Le dernier membre de l'organe est un militaire du rang qui détient le même grade que le comparant. S'il est impossible de trouver ce profil de gendarme ou de militaire, priorité est donnée à un militaire du rang plus ancien dans le grade.

Chaque conseil d'enquête est présidé par l'officier de carrière membre du conseil le plus ancien dans le grade le plus élevé (article R4137-70 du Code de la défense). Quoi qu'il en soit, le président doit détenir le grade minimum de capitaine pour les militaires du rang et officier supérieur pour les sous-officiers. Le conseil d'enquête en charge des officiers subalternes est présidé par un colonel tandis qu'un général de brigade siège en tant que président pour les officiers supérieurs.

Le déroulement du conseil d'enquête

La procédure devant le conseil d'enquête démarre par la réception, par le militaire fautif, d'un ordre de renvoi pris par le ministre des Armées ou une autorité habilitée. Ce document signifie à l'agent concerné qu'un conseil d'enquête a été mis sur pied pour examiner et statuer sur les suites à donner au dossier.

À partir de ce moment débute une série de procédures prévues dans le Code de la défense. Si vous êtes sur le point de comparaître devant un conseil militaire, notre équipe d'avocats expérimentés intervient partout en France pour vous défendre.

L'instruction du dossier par le rapporteur

Dès qu'il décide d'envoyer un gendarme ou un militaire devant un conseil d'enquête, le ministre des Armées procède à la désignation d'un rapporteur. Ce dernier est choisi parmi les officiers de la force armée ou de la formation rattachée à laquelle appartient l'agent mis en cause.

Ses attributions

Il est chargé de conduire l'instruction du dossier à charge et décharge. Il s'agit de la phase la plus importante et la plus délicate de l'instruction. Concrètement, le rapporteur rassemble tous les éléments de preuves susceptibles de faciliter et d'éclairer la prise de décision du conseil.

Ainsi, il devient en quelque sorte un intermédiaire entre les différentes parties. Il discute avec l'agent présumé fautif et son éventuel défenseur ou avocat. Il leur transmet tous les actes de procédure relatifs au conseil d'enquête. Cela concerne notamment les pièces et documents qui fondent la demande d'une sanction de troisième groupe à son encontre.

En réalité, à la notification de l'ordre de renvoi d'un militaire ou gendarme, le rapporteur en charge du dossier lui indique qu'il peut se faire assister par un avocat en droit militaire de son choix. Il invite ensuite l'agent à lui communiquer le nom et les coordonnées de ce dernier.

Dans le même temps, conformément à l'article R4137-76 du Code de la défense, il dévoile la liste des membres du conseil au militaire mis en cause. Dans un délai de 8 jours francs, l'agent peut récuser un certain nombre des personnes siégeant au conseil.

Il a aussi la responsabilité de collecter les pièces et les arguments produits par le gendarme pour se défendre des accusations portées contre lui.

La tenue d'un premier entretien

Lorsque tous les préalables sont réalisés, le gendarme ou le militaire mis en cause est prié de se rendre à un premier entretien. Il est assisté par l'avocat qu'il a choisi pour conduire sa plaidoirie. Au début de la séance, le rapporteur communique au gendarme et à son défenseur, les pièces et les documents qui motivent l'autorité à vouloir le sanctionner. Suite à cela, il écoute leurs explications et réceptionne les pièces constituées par la défense.

Le gendarme et son avocat sont libres de soumettre au rapporteur une liste de personnes qu'ils souhaitent faire auditionner par le conseil. Dans certains cas, cet entretien peut donner lieu à un ou plusieurs autres entretiens lorsque cela est nécessaire pour que le dossier soit bien instruit.

À la fin de son office, cette personne produit un rapport, à charge et à décharge. Il le transmet avec les éléments de l'instruction au Président du conseil d'enquête qui choisit une date de réunion. Il informe ensuite le militaire concerné de la date retenue pour la réunion du conseil qui va statuer sur l'affaire. Le rapporteur notifie également la liste des personnes qui seront auditionnées au minimum 8 jours avant la date prévue pour la réunion.

La réunion du conseil d'enquête

Elle s'ouvre avec une adresse du président à l'attention de l'agent présumé fautif et de son avocat. En conformité avec l'article R4137-81 du Code de la défense, il leur indique ainsi que l'organe qu'il préside est chargé d'émettre une opinion sur la procédure disciplinaire engagée. Suite à cela, le rapporteur lit son examen et le conseil procède à l'audition des personnes que l'agent a demandé à faire entendre.

Chaque personne est auditionnée séparément. Le rapporteur, le gendarme comparant et son défenseur disposent du droit de poser des questions. Les membres du conseil peuvent aussi poser des questions au militaire mis en cause.

À la fin de la réunion, le comparant et son avocat présentent leurs observations en plaidoirie. Si un membre du conseil d'enquête venait à intervenir postérieurement, le gendarme et son avocat peuvent s'exprimer à nouveau. En tout état de cause, le comparant et son jusriste sont toujours les derniers à prendre la parole devant le conseil d'enquête.

Pour terminer cette étape de l'instruction, le président du conseil demande au rapporteur, au comparant et à son avocat de se retirer de la salle. Le dossier est ensuite mis en délibéré.

La phase des délibérations

Les délibérations sont soumises au secret. Le président soumet au vote des membres les différentes sanctions proposées lors du délibéré. On commence toujours par la sanction la plus sévère. Si celle-ci ne recueille pas la majorité des voix des membres du conseil, le président soumet tour à tour au vote les autres condamnations. Le vote est à bulletin secret et la sanction qui recueille le plus grand nombre de voix est celle qui sera adoptée.

Dans le cas où aucune des propositions de sanction ne recueille une majorité de voix, il est considéré que le conseil s'est réuni sans pouvoir se prononcer en faveur d'aucune peine. Toutefois, précisions que le Code de la défense n'interdit pas au conseil de décider d'appliquer une sanction du deuxième voire du premier groupe.

Le prononcé de l'avis par le président du conseil

Le conseil est tenu de rendre son avis dans un délai de 3 mois à partir de la date à laquelle elle s'est réunie pour la première fois. Ce positionnement doit être envoyé par écrit au mis en cause lorsqu'il en fait la demande expresse. À défaut, il ne sera pas informé de la décision rendue par le conseil à son égard.

L'avis officiel ainsi qu'une copie du dossier et de ses pièces sont transmis au ministre des Armées ou à l'autorité habilitée à décider de l'application de la sanction. Après cela, le conseil se dissout de plein droit.

L'avis du conseil n'oblige pas le ministre ou l'autorité militaire à prononcer la peine préconisée à l'égard de l'agent. En réalité, il s'agit d'une simple opinion exprimée dans une délibération qui n'est donc pas impérative, encore moins susceptible d'actions devant une juridiction administrative.

En vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est donné en la matière, le ministre ou l'autorité militaire prononce une sanction définitive. Celle-ci doit être directement notifiée par écrit à la personne concernée. Le verdict est susceptible de recours dans les délais et conditions prévues par le Code de la défense.

Les voies de recours possibles contre les décisions du conseil d'enquête

Toute décision de sanction rendue par un conseil d'enquête dûment constituée pour juger un militaire peut être contestée en justice. On distingue à cet effet deux différentes voies de recours.

Les recours gracieux ou hiérarchiques

Ils ne sont pas propres au droit administratif. Ils sont plutôt issus d'un aménagement réalisé par le Code de la défense. Concrètement, il s'agit de la première possibilité qui s'offre à un militaire ou un gendarme injustement sanctionné de demander l'annulation de sa condamnation. Ces recours sont exercés auprès de l'autorité ayant prononcé la pénalité à votre encontre. Il revient ainsi à celle-ci de décider de l'annulation ou non de la décision.

Dans le cas spécifique des pénalités de troisième groupe, les personnes habilitées à traiter les recours gracieux sont :

  • l'autorité du niveau dont relève le militaire ou le gendarme réprimé,
  • le chef d'état-major de l'armée,
  • le ministre en charge de la Défense nationale.

Quoi qu'il en soit, l'issue du recours exercé est connue au plus tard dans un délai de trente jours francs.

Le recours contentieux devant le juge administratif

À l'instar d'une décision administrative classique, les sanctions du conseil d'enquête sont susceptibles d'être contestées auprès d'une juridiction d'ordre administratif. Dans ce cas particulier, le requérant introduit un recours en annulation pour faire annuler purement et simplement les effets de la décision litigieuse. Il est même possible d'effectuer un recours en référé pour demander une décision provisoire suspendant momentanément l'exécution de la condamnation.

Contactez un avocat spécialisé pour contester les décisions du conseil d'enquête

Pour contester une décision de sanction du conseil d'enquête, il est impératif de solliciter les services d'un expert en droit militaire. Si vous résidez en France et que vous recherchez un tel professionnel, adressez-vous à Maître Benjamin Ingelaere. Son cabinet offre de multiples prestations aux militaires ou gendarmes qui souhaitent se défendre après leur convocation devant un conseil d'enquête. Il faut rappeler que le cabinet pratique le droit militaire depuis 2010 notamment à Paris, Lille et Lyon.

Assistance et représentation lors de l'instruction du dossier

L'instruction d'une affaire portée devant un conseil militaire est certainement la phase majeure dans une procédure disciplinaire liée à une sanction de troisième groupe. Pour cela Maître Ingelaere vous assiste dans toutes les démarches menant à l'élaboration du rapport d'instruction. Nous nous tenons ainsi à vos côtés lors de la lecture des charges par le rapporteur.

Notre équipe d'avocats compétents examine également les pièces et éléments de preuve communiqués à la défense. Nous préparons alors le premier entretien de la procédure d'instruction. Pendant cette séance, nous présentons des preuves et un argumentaire en votre faveur pour démontrer que les allégations portées à votre encontre sont fausses ou pas totalement vérifiées pour justifier d'une peine.

Défense du comparant au cours de la réunion du conseil

Si les conclusions du rapporteur approuvent la réunion du conseil pour émettre un avis de sanction, nous assurons votre défense devant cette instance. Nous posons des questions aux personnes auditionnées dans le cadre de l'affaire pour convaincre le conseil de votre innocence. De même, nous prenons la parole en dernière position pour demander à l'organe de ne prendre aucun avis de sanction.

Mise en œuvre des voies de recours

S'il arrivait cependant que l'on vous sanctionne, nos professionnels préparent des recours gracieux ou contentieux pour faire annuler la condamnation. Dans l'un ou l'autre cas, nous portons une attention particulière aux délais légaux d'exercice des voies de recours pour ne pas recevoir un verdict de rejet.

En ce qui concerne le recours contentieux devant le juge administratif par exemple, il doit être formulé dans un délai de 2 mois à compter de la date de la notification de la décision. Pour le tribunal compétent pour trancher du litige, il s'agit du tribunal du lieu d'affectation du comparant si ce dernier est un militaire du rang ou un sous-officier.

Seul le Conseil d'État est par ailleurs habilité à statuer sur les recours visant à faire annuler les sanctions prononcées contre les gendarmes ou militaires ayant le grade d'officier. Il statue en premier et dernier ressort.

Pour assurer votre plaidoirie auprès d'une juridiction administrative, nos experts en droit militaire établissent une ligne de défense solide. Cela peut consister à attaquer la validité du verdict dans sa forme ou dans le fond, voire même sur ces deux différents aspects.

Sur le premier aspect, il s'agira par exemple de relever des irrégularités dans la constitution du conseil militaire chargé de statuer sur votre cas. Ainsi, si l'article du Code de la défense qui liste les personnes qui ne peuvent siéger dans cet organe a été violé, nous le ferons constater par le juge. De plus, nous pouvons nous baser sur la violation des droits de la défense ou du principe du contradictoire lors de la procédure disciplinaire.

Notre cabinet en droit des militaires et gendarmes à Paris peut orienter votre défense sur la véracité des faits qui vous sont reprochés. Vous êtes gendarme ou militaire et vous êtes jugé par un conseil d'enquête pour des agissements supposés fautifs ? N'hésitez pas à contacter notre cabinet pour bénéficier d'une assistance et d'un accompagnement d'excellente qualité.

 

Sources :

– https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006071307/LEGISCTA000018709324/

– https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006071307/LEGISCTA000018709300/2020-03-01

– https://www.village-justice.com/articles/sanctions-disciplinaires-militaires-deroulement-conseil-enquete,42017.html#:~:text=Lorsqu'un%20militaire%20est%20renvoy%C3%A9,ou%20la%20r%C3%A9siliation%20de%20contrat.

– https://www.mdmh-avocats.fr/2019/07/19/focus-sur-la-procedure-disciplinaire-du-conseil-denquete/