Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de l’inspecteur des impôts dont l’épouse avait un compte en Suisse
La plus haute juridiction administrative a jugé irrecevable le pourvoi en cassation d’un administrateur adjoint des finances publiques. Il avait été sanctionné par le ministère de l’Economie et des finances pour avoir minoré les déclarations d’impôts de son foyer entre 2006 et 2013.
L’inspecteur des impôts dont l’épouse avait un compte en Suisse, perd son marathon judiciaire face à son employeur, l’administration fiscale. Le 17 février dernier, la section du contentieux du Conseil d’Etat a déclaré irrecevable son pourvoi en cassation, au motif que les moyens soulevés par sa requête n’ont pas été jugés "sérieux".
En 2018, ce chef de division à la direction du contrôle fiscal d’Ile-de-France a écopé d’un an de suspension de ses fonctions, au motif qu’il n’avait pas déclaré la part des revenus de son couple correspondant au compte en Suisse, que son épouse avait dissimulé à l’administration fiscale, entre 2000 et 2013. En octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil avait prononcé l’annulation de la sanction, considérant qu’il n’existait pas de preuve que l’agent, en séparation de bien et ne disposant pas d’un compte commun, était au courant de l’existence du compte en Suisse de son épouse.
Près de deux ans plus tard, en juin 2021, la Cour administrative d’appel de Versailles a infirmé le jugement de première instance en confirmant la sanction de Bercy à l’égard de son agent. Avant que le Conseil d’Etat ne clôture définitivement l’affaire, en refusant l’admission du pourvoi en cassation il y a quelques jours.
Voici l'article que nous avions publié le 16 juillet 2021, après la décision de la cour administrative d'appel de Versailles :
Bercy ne plaisante pas avec la probité de ses agents. En novembre 2018, l’ex-ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin avait exclu de ses fonctions pour un an un administrateur adjoint des finances publiques, chef de division à la direction de contrôle fiscal d’Ile-de-France. Une sanction disciplinaire justifiée par des déclarations minorées de revenus et d’impôt sur la fortune (ISF), de 2006 à 2013. Et pour cause, l'agent omettait d’y intégrer le compte en Suisse, non déclaré, que détenait sa propre épouse.
Marié depuis 1991 en séparation de biens et ne possédant pas de compte commun, il affirme avoir tout ignoré de ce compte jusqu’à la fin de l’année 2013. C’est justement par un courrier du 24 décembre 2013 que son épouse avait finalement déclaré à l’administration fiscale l’existence de ce compte, hérité lors du décès de son père au cours de l’année 2000.
Quelques mois plus tard, elle avait déposé des déclarations rectificatives d’impôt sur le revenu et d’ISF, auprès de l’administration fiscale, demandant à bénéficier du dispositif de “dégrisement fiscal” ouvert par Bercy mi-2013 qui accordait des pénalités réduites. Le 4 février 2015, le couple avait signé une transaction avec le fisc incluant le versement de 144.247 euros, dont 86.591 euros d’arriérés d’impôts, 24.002 euros au titre des intérêts de retard et 33.654 euros de majorations et amendes.
Mais cette régularisation n’a pas empêché la sanction disciplinaire. Bercy a en effet estimé que le fonctionnaire, dont le devoir d’exemplarité était d’autant plus important qu’il occupait une place élevée dans la hiérarchie, avait manqué à son obligation de probité. Ce dernier s’en est toujours défendu, arguant qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir dissimulé le compte suisse de son épouse, puisqu’il en ignorait l’existence. Convaincu de son bon droit, le fonctionnaire a engagé une bataille juridique pour prouver sa bonne foi.
Bercy ne lâche rien
En 2018, il a obtenu la suspension de sa sanction en référé. Une décision confirmée au fond par le tribunal administratif de Montreuil, un an plus tard. Le 18 octobre 2019, cette juridiction avait annulé la sanction prise par Bercy, en retenant qu’il n’y avait pas de preuve formelle que l’agent était informé de l’existence du compte de son épouse. “Cette dernière a confirmé qu’elle avait volontairement tenu dans l’ignorance son mari, lequel s’est battu pendant plusieurs années contre une grave maladie”, soulignait notamment le jugement du Tribunal de Montreuil.
Mais Bercy, qui n’a pas lâché l’affaire, a finalement eu gain de cause en faisant appel. Pour convaincre les juges, le ministère a notamment argué que le couple avait toujours déclaré ses impôts en commun.
La cour administrative d’appel de Versailles a considéré que le fonctionnaire, ne pouvait ignorer l’existence du compte, “eu égard à la durée de détention de ce compte, aux montants élevés des retraits en espèces opérés pendant plusieurs années, à la circonstance que les époux vivent sous le même toit, et que les sommes provenant de ce compte ont servi à alimenter le train de vie du ménage”.
Des centaines de milliers d'euros retirés en espèces
La juridiction en veut pour preuve les retraits importants en espèces (248.200 euros entre 2006 et 2013) effectués par l’épouse sur ce compte, “qui ont servi à améliorer le train de vie du ménage et à financer l’aménagement de la maison du couple au Portugal”, demeure qui figurait dans la déclaration commune d’ISF du couple. Dans son arrêt du 28 juin dernier, la cour d’appel a donc annulé le jugement du tribunal de Montreuil, et confirmé l’exclusion temporaire infligée par Bercy à son agent. Une sanction qui, à ce jour, ne peut être purgée puisque ce dernier demeure en arrêt maladie.
Par la voix de son avocat Me Benjamin Ingelaere, l’intéressé a fait connaître à Capital son intention de contester la décision d’appel devant le conseil d’Etat, afin d’obtenir sa réintégration au sein de la direction fiscale d’Ile-de-France dès que son état de santé lui permettra de reprendre le travail. Il va aussi porter plainte pour “dénonciation calomnieuse”.