illégalité de l’arrêté de péril : quid du coût des travaux de démolition ?
L'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire le coût des travaux ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune.
Le 5 juillet dernier, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conséquences de l’illégalité d’un arrêté de péril en matière de remboursement des frais liés aux travaux exécutés d’office par une commune confrontée à un risque d’effondrement d’un immeuble.
En l’espèce, en mars 2002, un maire avait pris un arrêté de péril imminent enjoignant au propriétaire d’un immeuble endommagé en 1999 à la suite d’un incendie de procéder à des travaux de sécurisation. Le 7 avril 2008, au visa du rapport d'un expert désigné par le président du tribunal administratif, faisant état d'une grave menace à la sécurité publique en raison d'un risque permanent d'effondrement de l'immeuble, il avait pris un arrêté de péril ordinaire prescrivant la démolition totale de l'immeuble. Il avait également demandé au tribunal, sur le fondement des dispositions du paragraphe IV de l'article L. 511-2 du Code de la construction et de l'habitation, qu’à défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, il puisse procéder à la démolition de l’immeuble. Celle-ci, autorisée sous certaines réserves par ordonnance du 25 juillet 2008, avait été achevée en novembre 2008.
Le 12 octobre 2010, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté de péril du 7 avril 2008. La commune ayant alors assigné le propriétaire en paiement du coût des travaux de démolition, ce dernier a reconventionnellement demandé l'indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel (CA Agen, 12 sept. 2012) a fait droit à la demande de la commune retenant qu’il est constant que ces travaux ont été effectués à ses frais avancés, qu'ils étaient autorisés par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux qui avait rejeté la demande du propriétaire en suspension de l'arrêté de péril ordinaire et, qu'ainsi, ils devaient être mis à la charge de ce dernier, sa demande reconventionnelle pour voie de fait étant indépendante de cette obligation.
Cette analyse est censurée par la Haute juridiction au visa de l'article L. 511-2, IV, du Code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable. Pour la troisième chambre civile, la commune n'agit pour le compte et aux frais du propriétaire que lorsqu'elle fait régulièrement usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus. Dès lors, l'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire le coût des travaux ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune.
Pour aller plus loin, v., sur le péril imminent et le péril ordinaire, Le Lamy Droit immobilier 2017, n° 1930.
Source : 18 JUILLET 2018 - CÉLINE JEANNE - LamyLine.