« Peut-on accepter que des personnes, qui ont délibérément choisi de s'établir sur des terrains impropres à l'habitation (en l'occurrence des terrains agricoles) et en l'absence de certificat d'urbanisme ou de permis de construire, puissent bénéficier du branchement aux réseaux d'eau et d'électricité ? » Cette question fait l'objet de nombreux contentieux et incompréhension entre Mairie et gens du voyage, or...des solutions existent et elles sont validées par le Conseil d'Etat les différentes jurisprudences. INGELAERE Avocats vous explique tout.
Si cette question a fait l’objet de nombreux débats il résulte de la législation applicable ainsi que de la jurisprudence administrative que des solutions existent afin de contester un refus de raccordement, à condition toutefois, de faire valoir les bons arguments.
EDF peut-il décider seul du raccordement à la place du Maire ?
En tout état de cause il convient tout d’abord de préciser que le gestionnaire du réseau ne peut légalement apprécier la légalité des autorisations d’urbanisme ou des règles de stationnement en vigueur et à ce titre ne dispose pas du pouvoir de s’opposer de lui-même au raccordement au réseau sauf à disposer d’une réquisition du maire.
En effet en vertu de l’article L. 111-12 (anciennement L. 111-6) du code de l’urbanisme : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ».
Le MAIRE de la Commune a-t-il le droit de s'y opposer ? Si oui, dans quelles conditions et comment passer outre ce refus ? INGELAERE Avocats vous explique comment contourner ce refus.
Ces dispositions s’opposent au branchement définitif aux réseaux d’eau et d’électricité de caravanes installées sur une parcelle agricole afin de respecter le motif d’intérêt général tendant à assurer le respect des règles d’utilisation des sols.
Les articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’urbanisme énumèrent les hypothèses dans lesquels une autorisation d’urbanisme est nécessaire, et selon l'article L. 421-1 du même code « Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire.».
Dès lors l’installation d‘une caravane sur une parcelle nécessite en principe la délivrance d’un permis de construire et à ce titre rentre dans le champ de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme.
En conséquence, dès lors que l’installation d’une caravane, ou de toute construction même ne comportant pas de fondations, sur une parcelle agricole, n’a pas été précédée de la délivrance d’un permis de construire, le maire peut légalement s’opposer au branchement définitif aux réseaux d’eau et d’électricité en signifiant son opposition au gestionnaire du réseau.
Toutefois seul le raccordement définitif est prohibé, un raccordement provisoire est toujours possible si celui-ci est conforme aux durées de stationnement fixées par le Maire, ou demandé pour une période ou une raison limitée, et à condition que l’occupation des sols ne soit pas susceptible de porter atteinte à la salubrité, la sécurité, à la tranquillité publique, à la conservation des sites, des milieux ou encore aux règlements d’urbanisme .
En effet, la jurisprudence est constante, les raccordements provisoires sont exclus du champ d’application de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme (CAA Lyon, 28 janv. 2014, Cne de Châtel-Guyon, n° 13LY1302 ; 3 déc. 2013, Cne de Veyre-Monton, n° 13LY01176 ; CAA Nancy, 27 juin 2013, Mme Labbe, n° 12NC01368).
Le Conseil d'État a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler le principe selon lequel le raccordement provisoire était bien exclu du champ d’application de cet article (CE 12 déc. 2003, Monsieur Cancy, n° 257794), et a apporté des précisions sur les notions de « branchement définitif » et de « branchement provisoire », en indiquant, entre autre exemple, que le raccordement pour la « saison d’hiver » constituait bien un branchement provisoire.
Ainsi si le raccordement doit effectivement être « provisoire », il reste que l’absence de définition d’une durée provisoire permet de disposer d’une certaine marge de manœuvre afin de contester les refus de raccordement.
Dans le cas particulier des gens du voyage, une solution permettant le branchement des caravanes sur les réseaux d’électricité, d’eau de gaz et d’électricité pourra ainsi être trouvée.
En effet si le juge administratif a pu émettre un refus pour un raccordement pendant une période de six mois par an estimant que celui-ci présentait un caractère définitif (CAA Marseille 12 février 2019 - n° 17MA01943), un autre arrêt de la Cour Administrative de Lyon a pu considérer qu’un raccordement était provisoire alors même que les occupants ne quittaient le terrain que 4 ou 5 mois par an, avec les caravanes (CAA de Lyon, n°13LY01176 – 3 décembre 2013).
De plus dans le cadre de la contestation du refus il appartiendra au(x) requérant(s) de faire état des conséquences de ce refus de branchement sur sa vie privée et familiale, ou celle des autres occupants, en application de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Par ailleurs la situation d'urgence peut également être évoquée dans le cadre d’une procédure d’urgence en référé devant le juge administratif afin de suspendre un refus de raccordement et ainsi obtenir à titre provisoire ledit raccordement. En effet la Haute assemblée a pu reconnaitre une situation d’urgence eu égard aux conditions de vie des occupants qui occupaient des caravanes avec un enfant (CE 9 avr. 2004, commune de Caumont-sur-Durance, n° 261521). En jugeant ainsi, le Conseil D’Etat a entendu mettre en évidence que les conditions de vie pouvaient à elles seules constituer un élément permettant d'apprécier le caractère d'urgence d'une situation.
Il convient toutefois de rappeler que cette condition d’urgence n’est pas présumée et qu’elle sera appréciée par le seul juge des référés au cas par cas.
Pour conclure : est-il possible d'imposer un raccordement ? La réponse est OUI à condition que la demande soit suffisamment bien motivée par votre cabinet, à la lumière des jurisprudences les plus abouties en la matière.
Ainsi si les dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme prohibent le raccordement définitif aux réseaux, celles-ci doivent être appréciées au regard de la jurisprudence administrative qui met en évidence qu’il est possible d’agir à l’encontre des refus de raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité, à condition de soulever des moyens juridiques pertinents.